Selon une publication devenue virale depuis le jeudi 4 avril 2024, le président sénégalais, Diomaye Faye a déclaré que les entreprises françaises basées au Sénégal paieront désormais leurs impôts au trésor sénégalais. Des vérifications de Badona, cette déclaration est attribuée au nouveau chef d’État.
‘’Le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye déclare :
Désormais, toutes les entreprises françaises basées au Sénégal paieront leurs impôts au trésor sénégalais, pas en France. Cette décision est déjà effective et cela commence dès le mois d’avril 2024. C’est la première décision du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui prend immédiatement acte après la prise du pouvoir’’.
Ce texte est devenu viral depuis le jeudi 4 avril 2024 sur les réseaux sociaux, notamment Facebook (1,2), Instagram (1,2) et X (ex-Twitter) (1,2). Les publications combinées ont enregistré des milliers de vues.
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Outre les réseaux sociaux, le texte devenu viral se retrouve sur des sites d’information dont Mali Jet et Xalimasn.
Depuis son élection présidentielle du 24 mars 2024, Diomaye Faye a prononcé officiellement trois discours. Le premier, une déclaration en date du 25 mars 2024 devant ses soutiens, le discours d’investiture du mardi 2 avril 2024 et le discours sur l’État à l’occasion de la célébration de la 64e anniversaire d’indépendance du Sénégal prononcé le 3 avril 2024. Dans aucun de ses discours, le nouveau président sénégalais n’a affirmé que ‘’toutes les entreprises françaises basées au Sénégal paieront leurs impôts au trésor sénégalais.
Contacté par Badona via le réseau social WhatsApp, Dr Souleymane Kéita, enseignant chercheur à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, assure qu’’’une telle déclaration n’est jamais venue du président Bassirou Diomaye Faye’’. Le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères, joint via l’ambassade de France près le Bénin, dit n’avoir pas connaissance d’une telle déclaration du nouveau président du Sénégal.
‘’Depuis l’élection du président, il y a des supputations, des déclarations qui lui sont attribuées et des fake news. Les gens véhiculent ces messages pour créer la zizanie entre le partenaire économique stratégique qui est la France et le Sénégal’’, a renchéri Dr Souleymane Kéita.
Supposé paiement d’impôt en France
Selon le texte devenu viral sur les réseaux sociaux, les entreprises françaises basées au Sénégal payaient leurs impôts en France. Interrogé sur la question, le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères dément. ‘’Les entreprises françaises présentes au Sénégal paient bien sûr des impôts au Sénégal’’, assure le Quai d’Orsay.
D’après l’enseignant chercheur à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, Dr Souleymane Kéita ‘’une entreprise installée au Sénégal devient une entreprise de droit sénégalais, donc aller payer d’impôt en France, c’est farfelu, ça n’existe pas’’.
Plusieurs éléments prouvent que les entreprises françaises payaient leurs impôts au Sénégal avant l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, le 2 avril 2024. En septembre 2023, la société française de BTP, Eiffage a fait l’objet de redressements fiscaux de la part la Direction générale des impôts et des domaines (DGID) du Sénégal, rapporte Pulse Sénégal.
Selon Jeune Afrique, la multinationale française Auchan a payé 23 milliards de FCFA en impôts divers en 2022. Dans son rapport social 2022, Sonatel, filiale d’Orange, la société de télécommunication, apprend verser 435 milliards de FCFA à titre d’impôts, de taxes, cotisations ou droits divers dans les pays de la région, dont le Sénégal.
L’ambassade de France près le Sénégal parlent de ‘’200 entreprises françaises répertoriées au Sénégal’’. Elles apportent, précise la même source, “une contribution majeure à l’économie sénégalaise, notamment à l’emploi formel (avec environ 30 000 emplois directs, pour un chiffre global de 340 000 emplois éformels au Sénégal), et bien sûr aux recettes fiscales de l’État sénégalais’’.
Verdit
Se référant aux informations de Badona, le nouveau président Bassirou Diomaye Faye n’a pas déclaré que les entreprises françaises basées au Sénégal paieront désormais leurs impôts au trésor sénégalais. Aussi, les entreprises françaises paient déjà leurs impôts dans la caisse de l’État sénégalais avant l’arrivée au pouvoir du nouveau chef de l’État.
Comprendre cette désinformation
Élu dans un contexte de montée des discours de diabolisation de la France en Afrique subsaharienne, renforcée par les déboires avec les putschistes au pouvoir dans le Sahel, le tout nouveau président sénégalais se réclame d’un “panafricanisme de gauche”.
À l’opposé de son prédécesseur Macky Sall perçu, à tort ou à raison, comme un francophile soumis à la France, Diomaye Faye est perçu comme l’homme de la rupture et celui du souverainisme sans concession.
Se penchant sur son idéologie revendiquée, l’enseignant-chercheur sénégalais explique dans le média local Enquête Plus que “Le panafricanisme de gauche prône un idéal d’émancipation totale des peuples africains, à la fois sur les plans politique, économique, social et culturel. Ses racines puisent dans les luttes anticoloniales et la renaissance négro-africaine initiées par des figures emblématiques comme W.E.B Du Bois, Kwame Nkrumah ou Amilcar Cabral.”
D’après lui, “sur le plan politique, ce courant milite pour l’avènement d’États-nations africains véritablement souverains et indépendants des anciennes puissances coloniales. Il rejette ainsi le néocolonialisme sous toutes ses formes et appelle à une refonte des institutions internationales jugées défavorables aux intérêts du continent.”
Et d’un point de vue économique, l’enseignant-chercheur sénégalais apprend que “les partisans de cette idéologie défendent un développement autocentré, débarrassé des diktats des institutions financières occidentales. Ils prônent une véritable industrialisation, une valorisation des ressources naturelles africaines et une intégration économique régionale approfondie.”
L’avènement de Diomaye Faye au pouvoir au Sénégal se présente donc comme une opportunité pour les mouvements de rupture radicale entre les pays africains et la France.
En raison de la désinformation devenue outil d’influence, toutes tendances confondues, dans ce contexte, il convient au public d’observer une grande vigilance sur les déclarations présumées d’autorités sénégalo-françaises de nature à faire germer et entretenir une rivalité entre le Sénégal et la France.
La rédaction de Badona, service de vérification des faits et de lutte contre la désinformation du Groupe Banouto, reste à votre service pour vous aider à démêler le vrai du faux.