Du 25 au 27 juin 2025, la 12ᵉ édition du Global Fact Summit s’est tenue à Rio de Janeiro au Brésil, réunissant plus de 300 fact-checkers, journalistes, chercheurs et plateformes venus du monde entier. Organisé par l’International Fact-Checking Network (IFCN), l’événement s’est imposé comme le principal forum mondial de réflexion et d’action face à la montée en puissance de la désinformation. Dans un climat international polarisé — entre conflits armés, dérives autoritaires et mutations technologiques – les appels à la coopération et à l’innovation ont rythmé les échanges.
Les discussions ont porté sur des thématiques aussi cruciales que la régulation des plateformes, les usages controversés de l’intelligence artificielle générative, les stratégies de résilience éditoriale ou encore les enjeux de durabilité financière pour les rédactions indépendantes. Mais au-delà des constats globaux, ce sommet a également été l’occasion pour les acteurs de l’Afrique francophone de porter haut leur voix.
La PAFF au rendez-vous : deux panels, deux fronts de crise
Les membres de la Plateforme africaine des fact-checkers francophones (PAFF) ont contribué activement à cette édition à travers deux panels thématiques puissants, illustrant la complexité des batailles informationnelles sur le continent.
Le premier panel, intitulé « L’impact de la désinformation dans la crise à l’est de la RDC », a exploré le rôle des récits manipulés dans l’aggravation des tensions communautaires et des violences dans cette région fragile. Les intervenants ont montré comment les discours haineux ou ethnicisés sur les réseaux sociaux amplifient les clivages identitaires et sapent les efforts de paix. Ce panel a permis de mettre en lumière le rôle de la désinformation comme facteur de conflit, tout en interrogeant la place et les limites des médias dans des zones à faible couverture journalistique.

Le second panel, intitulé « Sahel : Fact-checker dans le trou noir de l’information », a exposé les réalités encore plus critiques des vérificateurs de faits opérant au Burkina Faso, au Mali ou au Niger. Dans ces pays plongés dans l’instabilité sécuritaire et désormais gouvernés par des régimes militaires, les fact-checkers sont confrontés à des environnements répressifs où l’accès à l’information est restreint, et où la désinformation sous couvert de la propagande est parfois institutionnalisée. Les intervenants ont partagé leurs expériences d’innovation dans l’adversité : recours aux langues locales, mobilisation communautaire, collaboration régionale et usage stratégique des outils numériques. Ce témoignage collectif a mis en lumière la résilience d’acteurs souvent invisibilisés dans les débats globaux.
Une convergence des défis, un besoin de reconnaissance
Ce que ces deux panels ont démontré, c’est que les défis des fact-checkers francophones d’Afrique – conflit, autoritarisme, marginalisation linguistique – ne sont pas isolés, mais résonnent avec ceux rencontrés ailleurs dans le monde. La précarité des rédactions indépendantes en Ukraine, la polarisation extrême aux États-Unis, ou encore les attaques politiques contre les journalistes en Asie du Sud-Est rappellent que la désinformation prospère dans des failles démocratiques structurelles.
À Rio, la PAFF n’a pas seulement participé : elle a affirmé que les Suds, et particulièrement les zones francophones, apportent une expertise située, précieuse pour penser une réponse globale et solidaire à la désinformation.
L’espoir d’un sursaut global
Au-delà du diagnostic partagé, le sommet s’est conclu sur une note d’espoir. Les échanges ont permis de consolider les alliances transcontinentales, de faire émerger des solutions concrètes, et de renouveler les engagements communs. Comme l’a résumé un participant :
« Face aux récits toxiques, notre meilleure arme reste la solidarité éditoriale. »
À Rio, le fact-checking n’a pas seulement défendu la vérité. Il a réaffirmé sa fonction démocratique essentielle : faire rempart contre la confusion, et bâtir un espace public informé, critique, et résilient — y compris pour les voix du Sud global, longtemps marginalisées dans les discussions mondiales sur l’information.