Dans la matinée de ce 9 octobre, une partie de la ville de Goma, du côté de l’hôpital provincial du Nord-Kivu, a été secouée par des manifestations. Les membres de familles de victimes du récent naufrage du bateau MERDI, ont barricadé la route pour réclamer aux autorités, les corps de leurs péris dans ce naufrage. C’est dans ce contexte que les internautes ont commencé à publier des photos, pour la plupart hors contexte, concernant ces manifestations, pouvant ainsi induire les internautes en erreur.
C’est le cas de celles (trois images) publiées sur la page Facebook « Butshétshé infos », sur lesquelles l’on peut visiblement voir une grande foule rassemblée autour d’un drapeau de la RDC, l’autre illustrant les gens en pleine manifestation sur une route asphaltée, remplie de pierres et d’autres déchets et la dernière montrant un homme torse nue, évacué par deux militaires. L’auteur de cette publication présente ces clichés, prétendant qu’ils montrent « une grève devant l’hôpital provincial du Nord-Kivu » en cette date. Sauf que c’est faux, car toutes ces images sont anciennes et sorties de contexte.
Congo Check les a vérifiés à l’aide des techniques de recherche inversée d’images, et les résultats trouvés prouvent que ces images ne sont pas des manifestations de ce jour à Goma. Deux photos montrent les manifestations organisées à Goma en 2022 par les mouvements citoyens, pour notamment demander le départ de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo (MONUSCO) et dénoncer l’agression rwandaise en RDC et la dernière montre un rescapé du naufrage secouru par les militaires de la SADC.
« SOULÈVEMENT À GOMA : une grève se passe devant l’hôpital général de Goma. Les familles qui avaient perdu leurs personnes dans l’accident du bateau sur le lac Kivu réclament leurs naufragés, mais pour bien mentir à la population sur le bilan, les agents du gouvernement refusent de donner les corps aux membres de la famille. » https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2Fpermalink.php%3Fstory_fbid%3Dpfbid02v3EnDV5Ees8uEZ8MZnbZDY8T1YFqi4K4n9PzJp5wb5fLRHX46WW3CFQvCpCtiUcil%26id%3D61560562200777&show_text=true&width=500
Certains internautes ont réagi et dans les commentaires, les uns se questionnent sur la véracité de cette publication. Cas de Chris Silvester Kabongo qui écrit « Les faire sortir dans l’eau, les amener à l’hôpital et refuser de remettre leurs corps à leurs membres. Tu veux dire que l’État a détourné leurs cadavres… » s’interroge-t-il. Les autres semblent y croire. « Pays sans chance », réagit Isaac Denis Mupenda.
Sans les vérifier au préalable, certains internautes ont également publié ces images sur leurs pages, les collant aux manifestations de ce 9 octobre à Goma. L’internaute Didier Bitaki s’est contenté de publier l’une de ces trois photos.
Congo Check a tenté en vain de contacter l’un des auteurs de cette publication. Mais l’internaute Didier Bitaki qui a publié l’une de ces trois photos, a répondu à notre message. À la question de savoir si cette image qu’il a publiée provient de manifestations organisées à Goma le 9 octobre, il a répondu par l’affirmative : « Oui ».
Recherche inversée d’images et témoignage
Pour en avoir le cœur net, notre équipe s’est lancée dans la recherche autour de ces images, en vue de trouver leur origine et les circonstances dans lesquelles elles ont été prises. Pour y parvenir, nous avons utilisé les techniques de recherche inversée d’images. À partir de Google Lens ou encore de l’application search by Image, nous sommes parvenus à trouver les traces de ces dernières sur internet. Pour les deux premières images, les résultats trouvés nous ramèneront en 2022, notamment lors des manifestations organisées à Goma contre l’agression rwandaise, et lors des manifestations contre la mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) en RDC. La dernière est récente. Elle a été prise le jour du naufrage du bateau MERDI. Elles n’ont donc rien à voir avec les manifestations de ce matin dans la ville de Goma, organisées par les familles des victimes du naufrage, pour réclamer les corps de leurs membres de famille péris.
La première image date d’octobre 2022. Elle montre les jeunes manifestants à Goma, qui, sur appel de la société civile, dénoncent l’agression rwandaise sur la RDC. Image retrouvée également sur la page X du journaliste Daniel Michombera. Là aussi, la photo a été publiée depuis octobre 2022.
La deuxième image, qui montre une route asphaltée remplie de pierres et d’autres déchets, a été prise à Goma lors des manifestations organisées par les mouvements citoyens pour réclamer le départ de la MONUSCO.
Partout où nous avons trouvé cette image publiée, on parle des manifestations contre la MONUSCO (2022). La réchauffée en 2024, voulant la faire passer comme prise pendant les manifestations du 9 octobre, est un canular.
Contacté sur WhatsApp, Espoir Ngalukiye, ancien cadre du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA), l’un des mouvements citoyens, parmi ceux qui avaient initié ces manifestations contre la MONUSCO, a sans détour confirmé que cette image était prise durant ces manifestants. « Je me rappelle très bien cette image. C’était quand j’étais encore dans la LUCHA en 2022, lorsqu’on organisait des manifestations demandant le départ de la MONUSCO. Je ne connais pas celui qui avait pris cette image, mais en regardant bien ces photos, elles ressemblent à des photos prises vers Majengo ou Katoy. Surtout les pierres et les gros poteaux. », a-t-il répondu à Congo Check.
La dernière image montrant un homme torse nu, en train d’être évacué par les militaires, a été prise à kituku le jour même du naufrage, le 3 octobre. Elle montre un rescapé secouru par les militaires de SAMIDRC.
Il est donc clair que ces clichés publiés sur Facebook n’ont rien à voir avec les manifestations organisées ce 9 octobre à Goma. Publier ces clichés le même jour de ces manifestations à Goma risque d’induire certains internautes en erreur, pensant qu’elles montrent ce qui s’est réellement passé, pourtant, c’est faux. Voilà pourquoi il était important pour Congo Check d’y travailler et de les remettre dans leur contexte.