Comme cela est souvent le cas en situation de crise, et comme on pouvait s’y attendre, des fausses rumeurs ont émergé sur les réseaux sociaux autour de la variole du singe après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé, à la mi-août 2024, que cette maladie constituait une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), son niveau d’alerte le plus élevé. Cette annonce a été faite en raison de la résurgence des cas de variole du singe en Afrique.
Par exemple, au Sénégal, où aucun cas de cette maladie n’avait été officiellement annoncé jusqu’à la date de publication de cet article, des rumeurs ayant circulé, notamment sur WhatsApp et Facebook, ont pourtant indiqué qu’un premier cas a été enregistré dans le pays. Ces rumeurs ont été démenties par les autorités sanitaires.
Cependant, le 28 août 2024, le ministère sénégalais de la Santé et de l’Action sociale a publié son premier rapport sur la réponse contre l’épidémie de Mpox en 2024 au Sénégal. Ce dernier fait état de 19 cas suspects notifiés du 18 au 25 août 2024 par le système de surveillance mis en place à travers le pays.
Résurgence de la Mpox après l’épidémie de 2022
Le 13 août 2024, le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) avait déjà classé l’épidémie comme une urgence de santé publique menaçant la sécurité de l’Afrique.
Les inquiétudes des autorités sanitaires régionales étaient surtout liées à la souche dénommée « clade 1b », une autre forme du virus Mpox détectée pour la première fois chez l’humain en septembre 2023 en République démocratique du Congo (RDC). Provenant du clade 1, elle se distingue par une létalité plus élevée, associée à une transmissibilité accrue, avec un taux de mortalité estimé à 3,6 %.
L’Agence suédoise de santé publique a annoncé, le 15 août 2024, qu’une personne vivant dans la région de Stockholm a été diagnostiquée comme porteuse du sous-type « clade 1b » du virus de la Mpox. De même, la Thaïlande a confirmé un cas porteur du clade 1b, le premier en Asie, le 22 août 2024. Au 29 août 2024, il s’agit des deux seuls cas de ce clade confirmés hors d’Afrique.
Deux autres cas suspects au Pakistan et aux Philippines avaient été signalés mais ces derniers n’étaient finalement pas liés au clade 1b. En Australie, au moins 306 cas de Mpox ont été signalés depuis le début de l’année 2024, mais, d’après les autorités sanitaires australiennes, ces cas sont causés par le clade 2b du virus.
En RDC, d’où est partie cette nouvelle épidémie, la maladie s’est propagée dans toutes les provinces du pays, selon Samuel-Roger Kamba, le ministre congolais de la Santé.
« Depuis le début de l’année 2024, un total de 20 720 cas et 582 décès ont été signalés dans au moins 13 États membres de l’UA », est-il rapporté dans l’édition du 25 août 2024 du rapport hebdomadaire d’Africa CDC sur les épidémies.
Ces chiffres, souligne Africa CDC, représentent une augmentation de 160 % et de 19 % du nombre de cas et de décès, respectivement, en 2024 par rapport à la même période en 2023. « Une augmentation de 79 % du nombre de cas a été observée en 2023 par rapport à 2022. La République démocratique du Congo (RDC) représente 96 % de tous les cas et 97 % de tous les décès signalés en 2024 », selon l’organisation sanitaire africaine.
De 2022 au mois d’août 2024, au moins 40 874 cas de Mpox et 1 512 décès ont été signalés dans 15 États membres de l’Union africaine (UA), selon un article du journal The Lancet publié le 20 août 2024 et repris par Africa CDC. En 2022, la Mpox s’était propagée dans une centaine de pays dans le monde, causant environ 140 décès sur 90 000 cas recensés dans le monde. L’OMS avait ainsi décrété une urgence de santé publique de portée internationale en juillet de la même année, avant de lever l’alerte dix mois plus tard, « après une amélioration significative de la situation épidémiologique ».
Qu’est-ce que la variole du singe ou Mpox ?
La variole du singe a été découverte pour la première fois chez l’humain en 1970 en RDC. Cependant, selon l’Institut Pasteur, « le virus Mpox a été isolé pour la première fois en 1958 dans une colonie de singes à Copenhague, au Danemark, où les animaux présentaient des lésions cutanées similaires à celles de la variole humaine, d’où l’appellation « variole du singe ». Toutefois, bien que la dénomination « variole du singe » persiste, « la transmission à l’homme se fait principalement via les rongeurs et non les singes ». D’après l’OMS le virus peut ensuite se propager d’une personne à l’autre.
Depuis le 28 novembre 2022, l’OMS recommande l’utilisation du nom « Mpox » pour désigner la maladie, à la suite d’une série de consultations avec des experts mondiaux. Car, « lorsque la flambée de la variole du singe s’est étendue au début de l’année 2022, des propos racistes et stigmatisants en ligne, dans d’autres contextes et dans certaines communautés ont été observés et signalés à l’OMS. […] un certain nombre de personnes et de pays ont fait part de leurs inquiétudes et ont demandé à l’OMS de proposer une solution pour changer le nom ».
Le Pr Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses au Centre hospitalier universitaire national (CHUN) de Fann à Dakar, a expliqué à Africa Check que la Mpox est causée par un virus à ADN appelé Monkeypox (Variole du singe en anglais). « C’est une zoonose, c’est-à-dire une maladie d’origine animale », a-t-il précisé.
Le Pr Daye Ka, également infectiologue au CHUN de Fann, a indiqué qu’il « existe deux groupes distincts du virus, appelés clades, celui d’Afrique centrale (clade 1) et celui d’Afrique de l’Ouest (clade 2), avec des différences génétiques ».
Le Monde renseigne dans un article du 20 août 2024 que quatre virus causant la maladie de la Mpox circulent actuellement. « Pour les désigner, les spécialistes parlent de « clades » et non pas de « variants ». Ces termes ne désignent pas le même degré de proximité génétique », est-il souligné dans l’article.
Bruno Lina, virologue et membre du comité français de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), a exposé, dans le même article, que les clades 1 et 2, bien qu’étant de la même famille, diffèrent sur le plan antigénique. « Quand on est immunisé contre l’un, on est protégé au moins partiellement contre l’autre, mais ils n’ont pas la même pathogénicité, c’est-à-dire la capacité à entraîner une maladie, et présentent suffisamment de différences pour qu’on considère qu’il s’agit de groupes génétiques différents. C’est pourquoi on parle de clades génétiques différents ».
En ce qui concerne la différence entre les « clades » et les « variants », le virologue a expliqué : « Les variants sont des virus qui appartiennent au même groupe génétique, mais présentant des différences antigéniques, c’est-à-dire des mutations différentes dans leurs protéines de surface, et dont les modifications entraînent un échappement immunitaire ». Lina a ensuite précisé qu’à l’intérieur des clades de la Mpox, il n’y a actuellement pas de variants « même si, aujourd’hui, par abus de langage, on parle de variants pour tous les sous-clades génétiques, même en l’absence de variation antigénique ».
L’OMS explique que les personnes infectées par la Mpox restent contagieuses jusqu’à ce que toutes les lésions soient guéries. L’Institut Pasteur ajoute que des recherches sont en cours pour mieux comprendre la propagation et les sources du virus, surtout avec l’apparition de nouvelles souches.
Comment se transmet la maladie ?
La transmission de l’animal (le singe le plus souvent mais aussi d’autres animaux comme les rongeurs) à l’Homme se fait par morsure, griffure mais surtout par contact avec les lésions des animaux atteints de la maladie et aussi par contact avec la chair et les fluides corporels de ces animaux, a expliqué le Pr Seydi du CHUN de Fann à Dakar.
L’OMS a informé que « la transmission interhumaine peut se produire par un contact direct avec des lésions infectieuses cutanées ou autres, par exemple des lésions de la bouche ou des organes génitaux ». Cela inclut un contact face-à-face (parler, respirer), peau à peau (toucher, rapports sexuels vaginaux/anaux), bouche-à-bouche (embrasser), bouche à peau (rapports sexuels bucco-génitaux ou en embrassant la peau), par gouttelettes respiratoires ou aérosols à faible portée nécessitant un contact proche prolongé.
« Le virus pénètre ensuite dans l’organisme par la peau lésée, les muqueuses (orales, pharyngées, oculaires, génitales ou anorectales) ou les voies respiratoires », a ajouté l’OMS, avant d’avertir que « les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels sont plus à risque que les autres ».
La contagion peut également survenir au contact de l’environnement du malade (literie, vêtements, vaisselle, linge de bain…), lit-on dans cet article de Santé Publique France, le site de l’agence nationale de santé publique en France.
Il est donc important, toujours selon l’article, que les malades respectent un isolement pendant toute la durée de la maladie (jusqu’à disparition des dernières croûtes, le plus souvent trois semaines).

Quels sont les symptômes de la variole du singe ?
La maladie a une présentation clinique similaire à celle de la variole humaine avec une éruption cutanée sous forme de petites tâches atteignant la paume des mains et la plante des pieds, détaille l’Institut Pasteur France, dans une fiche de présentation de la maladie.
« Les symptômes apparaissent entre 5 et 21 jours après la contamination, mais le malade ne commence à être contagieux qu’au début des signes cliniques », a précisé le Pr Seydi à Africa Check. Selon l’infectiologue, la maladie se manifeste au tout début par une fièvre, des frissons, une grande fatigue, des maux de tête, des douleurs lombaires (douleur au niveau du tour de reins), et des douleurs musculaires. On note également des adénopathies (augmentation douloureuse ou non de la taille d’un ganglion qui devient dur, chaud et parfois recouvert d’une rougeur) qui peuvent siéger à différents niveaux, par exemple au niveau du cou.
Il a affirmé que cette atteinte des ganglions, encore appelée lymphadénopathie, est un signe (distinctif) très important « car elle n’est pas observée dans les maladies qui ressemblent à s’y méprendre parfois à la variole du singe ». Cette phase de début ne dépasse pas cinq jours, a-t-il fait remarquer.
Un à trois jours après l’apparition de la fièvre, surviennent des lésions cutanées sous forme d’éruption a poursuivi le Pr Seydi d’après qui « l’éruption a tendance à être plus concentrée sur le visage et concerne la bouche en premier, les membres, les paumes et la plante des pieds. Elle peut aussi toucher les yeux ». Ces éruptions peuvent également atteindre les organes génitaux. « Ce qui pourrait expliquer les cas notés chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en Grande-Bretagne (en 2022) », a-t-il expliqué.
Dans les cas graves, les lésions peuvent fusionner aboutissant à de grandes desquamations (perte de peau morte), a ajouté le Pr Daye Ka.

« La guérison complète est la règle… »
Selon l’OMS, « dans la plupart des cas, les symptômes de la variole simienne disparaissent spontanément en quelques semaines grâce aux soins de soutien, tels que des médicaments contre la douleur ou la fièvre ». Cependant, souligne l’organisation, chez certaines personnes, la maladie peut être grave ou entraîner des complications médicales et même la mort. « Les nouveau-nés, les enfants, les femmes enceintes, les personnes enceintes et les personnes atteintes d’un déficit immunitaire sous-jacent peuvent être exposés à un risque accru de développer une forme plus grave de la maladie et d’en mourir », a prévenu l’institution sanitaire mondiale.
La guérison complète est la règle, et elle survient 2 à 4 semaines après le début de la maladie, confie le Pr Seydi. Cependant, poursuit-il, il peut y avoir des complications graves, comme les surinfections bactériennes. Les atteintes pulmonaires et oculaires avec risque de cécité sont possibles.
« Ces complications et le décès sont moins fréquents avec le groupe ouest africain », selon le spécialiste.
Comment éviter la Mpox ?
Pour éviter toute contamination, il faut, selon les professeurs Seydi et Ka, éviter d’être en contact direct avec les animaux malades, suspects ou morts, ainsi qu’avec les personnes malades ou les objets utilisés par ces derniers et « une hygiène rigoureuse des mains » est nécessaire.
L’OMS conseille également de laver les vêtements, les serviettes, les draps et les ustensiles de cuisine de la personne infectée avec de l’eau chaude et du détergent.
Il faut aussi nettoyer et désinfecter toutes les surfaces contaminées et éliminer les déchets contaminés (par exemple, les pansements) de manière appropriée, suggère l’OMS.
Article mis à jour par Souleymane Diassy, édité par Valdez Onanina.